La vie sexuelle d'Emmanuel Kant by Jean-Baptiste Botul

La vie sexuelle d'Emmanuel Kant by Jean-Baptiste Botul

Auteur:Jean-Baptiste Botul [Botul, Jean-Baptiste]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Pastiche, Philosophie
Éditeur: Mille et une nuits
Publié: 1999-10-26T22:00:00+00:00


ORGIES SUÉDOISES

Cette ascèse prend du temps. Il faut guérir le jeune homme. Si Kant a écrit si tard ses grands livres, si la maturité ne survient chez lui que vers les soixante ans, si aux trois quarts de sa vie, il n'a produit que la moitié de son œuvre, c'est qu'il doit se purger de ces amours interdites. Il leur a beaucoup donné dans sa jeunesse. À l'âge de vingt et un ans, dans son Histoire universelle et théorie du ciel, qu'il préfère ne pas signer, il décrit le soleil comme s'il s'en était approché : « On commence par voir de vastes mers de feu élevant leurs flammes vers le ciel, puis des ouragans de feu dont la fureur redouble la violence de ces mers [...]. » Je vous épargnerai de longs passages de cette Histoire du ciel dont la troisième partie est un « essai de comparaison entre les habitants des différentes planètes ». Kant se demande pourquoi notre âme immortelle devrait « rester éternellement fixée à ce point de l'Univers qu'est la Terre ». « Peut-être d'autres planètes se formeront-elles pour nous préparer, à la fin des temps prescrits pour notre séjour ici-bas, une nouvelle demeure sous d'autres cieux. »

Ces pages font du jeune Kant ce que nous appelons aujourd'hui un auteur de « science-fiction ».

Certes, il s'agit d'œuvres de jeunesse. Mais onze années plus tard, en 1766, Kant récidive en écrivant un curieux livre intitulé Rêveries d'un visionnaire, qu'il préfère ne pas signer. Visionnaire ? Un titre plus approprié en français serait Rêveries d'un faiseur de visions ou Rêveries d'un voyant. Car « visionnaire » en français a un sens positif et laudatif, qui ne correspond pas à l'intention polémique de Kant.

Ce livre constitute une attaque en règle contre un illuminé suédois nommé Swedenborg, qui raconte ses rencontres avec les esprits des morts.

Kant est contre ce Swedenborg. Tout contre.

C'est-à-dire trop près.

Pour le réfuter, il n'hésite pas à acheter à prix d'or Arcana caelestia, le livre de Swedenborg. Cet intérêt pour un auteur fumeux et inconnu à l'époque en Allemagne, a semblé bizarre à plus d'un contemporain. Kant le reconnaît : « Par une enquête curieuse sur les visions de Schwedenberg [sic] [...], j'avais autrefois donné beaucoup à jaser. » Cet « autrefois » est difficile à dater. On sait seulement que Kant a eu le projet de rencontrer Swedenborg à Stockholm, qu'à défaut de faire le voyage de l'autre côté de la Baltique, il le fit interroger par un intermédiaire et qu'à l'âge de dix-neuf ans, il qualifiait cet illuminé « d'homme raisonnable, prévenant et ouvert ». Kant raconte avec admiration et sans réserve comment Swedenborg, en voyage à Göteborg, a « vu » et raconté à ses proches un incendie qui se passait au même moment à Stockholm, ville distante de six cents kilomètres. « Comme je souhaiterais avoir moi-même pu interroger cet homme étrange ! », avoue Kant à une correspondante30.

J'en déduis que le seul voyage qu'aurait pu faire Kant dans sa vie, la



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